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L’analyse sans langue de bois de Duga !

Dans une interview accordée à SudOuest.fr, l’ancien champion du monde et consultant pour Canal + dresse un tableau sans concession de la situation du club bordelais.

Ce qu’il y a de bien avec Christophe Dugarry, dans un milieu aussi politiquement correct que le football de haut niveau, c’est qu’il parle avec son coeur. Quand quelque chose le dérange, il ne tourne pas autour du pot, il dit tout haut ce qu’il pense. Surtout quand ce quelque chose concerne les Girondins de Bordeaux.

Il a beau avoir les yeux de Chimène pour le club qui l’a révélé, il a beau avoir « une très grande amitié » pour Jean-Louis Triaud et « un profond respect » pour Nicolas de Tavernost, Duga se pose pas mal de questions et n’épargne personne. « Je ne comprends vraiment pas la stratégie des Girondins aujourd’hui », répète-t-il à l’envi.

Rencontre avec celui qui commentera pour Canal+ le match face au Paris SG dimanche soir.

Christophe, ce début de saison assez pénible réalisé par Bordeaux vous étonne-t-il ?On va dire que ça ne m’étonne qu’à moitié. Personnellement, je ne voyais pas Bordeaux se mêler à la course à l’Europe. Ni cette saison, ni celle d’avant d’ailleurs. Après l’ère Laurent Blanc, le club a vendu ses gros salaires et a recruté des joueurs en devenir. Je ne dis pas « moins bons », je dis juste qu’ils avaient tout à prouver. Tout ça est risqué. Il y a des mecs qui peuvent exploser, évidemment, mais aussi d’autres qui auront du mal à s’affirmer. Honnêtement, ça a plus de chance de ne pas marcher. Quand on perd des joueurs confirmés, il est délicat de prétendre jouer les premières places. Je ne m’attendais certainement pas à voir Bordeaux rivaliser avec Marseille, Lille, Lyon ou le PSG.Quels sont les principaux manques de cette équipe ? En défense ? En attaque ?Les manques, ils sont partout ! Le moins mal, si vous me pardonnez l’expression, c’est le milieu de terrain. En défense, on a la particularité d’avoir des joueurs qui ne gagnent pas un duel. Il y a un doute incroyable dans la tête de nos défenseurs. Et devant, Modeste, Diabaté ou Gouffran marquent de temps en temps, mais on n’a pas d’avant-centre confirmé et fiable.

Comment un garçon comme Michaël Ciani, qui a été sélectionné une fois en équipe de France en 2010, a-t-il pu devenir aussi moyen ?

Il y a une différence entre un bon joueur comme Ciani et un grand joueur. Ciani, il est performant lorsqu’il joue à côté de quelqu’un qui le rend meilleur.Vous souvenez-vous de Cyril Domoraud ? A Marseille, il était exceptionnel, mais c’est parce qu’il avait Laurent Blanc avec lui. Tout seul, c’était beaucoup plus compliqué pour lui.

Ciani, c’est pareil. Il ne faut pas lui en demander trop. Quand il jouait avec Chalmé et Trémoulinas qui étaient en pleine bourre à l’époque, quand il avait Alou Diarra devant lui, il était plus rassuré. Avoir une âme de leader, c’est difficile. Bordeaux a été champion avec un axe Diawara – Diarra – Gourcuff – Chamakh qui tirait le reste de l’équipe vers le haut. Ils étaient les leaders techniques et moraux. Avec eux, on a vu briller des gars comme Fernando ou Wendel. Bordeaux n’a plus ce genre de joueurs aujourd’hui.

En somme, l’équipe actuelle manque de talent…

Mais bien sûr ! Rien ne remplace le talent ! Je les entends les discours des dirigeants qui disent qu’il faut mouiller le maillot, qu’il faut courir davantage. Pour moi, ça ne veut rien dire. Une équipe qui a le talent, elle n’a pas besoin de courir. Sans talent, on ne peut pas espérer mieux que la 8e place. A Bordeaux, il y a des joueurs talentueux, comme Nguemo, Plasil, Trémoulinas. On a un bon gardien aussi (Carrasso). Mais aucun de ceux-là ne tire l’équipe vers le haut. Ah oui, il y a Planus aussi.

A propos de Marc Planus, son retour en défense devrait faire du bien, non ?

Planus ? Ce n’est pas lui le leader qui rendra les autres meilleurs. Déjà, il faut qu’il retrouve confiance dans sa tête. La priorité, c’est de gagner les duels. Il a joué quinze matches en un an et demi, je ne peux que me poser des questions…

C’est-à-dire ?

Quand un joueur se fait une rupture des croisés ou se pète le tendon d’Achille, ce n’est pas de chance, il est immobilisé longtemps et il lui faut s’accrocher. Mais là, avec Planus, c’est un coup « j’ai mal à la cuisse », un coup « j’ai mal au genou », « j’ai mal à l’oeil, au nez »… J’en rajoute, mais tout ça est dur à comprendre. Jouer avec des douleurs, ça fait partie du job.

Avec l’effectif actuel, Bordeaux peut-il s’en sortir ?

La grande chance de Bordeaux, c’est qu’il y a en Ligue 1 des équipes d’une faiblesse incroyable. Terminer devant elles devrait être réalisable. Ce qui m’inquiète en revanche, c’est que même lorsque les Girondins jouent bien, comme contre Lille (1-1) ou Montpellier (2-2), ils ne gagnent pas. Quand vous ne jouez pas trop mal mais que vous n’engrangez pas les points, c’est difficile ensuite.

Le mercato d’hiver peut-il tout changer ?

Je ne suis pas dans le secret des dieux, je connais pas l’état des finances. En tout cas, depuis deux ans, quand on a dit qu’on jouerait l’Europe, j’étais mort de rire ! Il faut être sérieux. On ne retrouve pas l’Europe en recrutant des joueurs qui viennent de Nancy, de Valenciennes, de Nice ou de Ligue 2. Ils sont intéressants, mais ils ne peuvent pas faire la différence tout seuls. Heureusement, cette équipe va progresser car on a la chance d’avoir Francis Gillot qui est un entraîneur très compétent. Autant, connaissant le caractère de Jean Tigana, je me doutais que ça ne marcherait pas, autant avec Gillot je suis confiant.

En plus, Gillot a fait éclore de jeunes talents, partout où il est passé…

Oui, à condition d’en avoir sous la main. Aujourd’hui, les jeunes qui sortent du centre de formation des Girondins viennent grossir les rangs de la Ligue 2. Récemment, j’ai vu quelques matches de jeunes en U11 ou U13, je suis désolé, beaucoup n’ont pas le niveau pour jouer aux Girondins. On me dit qu’il y a eu les frères Sané. Oui, mais heureusement que la rive droite est là ! Des mecs comme Liza (Bixente Lazarazu) ou moi, qui font toutes leurs classes aux Girondins, il n’y en a plus. Le club n’a pas d’argent à mettre dans les transferts ? OK, alors mettons le paquet sur les jeunes.

Quelles est la part de responsabilité des dirigeants ?

Je vais vous dire. Sincèrement, j’adore Jean-Louis Triaud. C’est un vrai bon mec comme il y en a peu dans ce milieu. Il est attachant, il respecte les joueurs et il a eu de très bons résultats. Maintenant, il y a des choses qui m’interpellent. Quelle est la stratégie du club ? Pourquoi on ne sort plus d’internationaux ? Pourquoi on nous dit qu’on n’a pas d’argent pour recruter et, quatre mois après, on nous promet d’injecter10 millions au mercato d’hiver ? Et aussi, j’aimerais comprendre ce qui est pour moi une énigme absolue : pourquoi Bordeaux n’a-t-il pas de directeur sportif ?

Un directeur sportif suffirait à régler les problèmes ?

Il faut un mec qui a des contacts, des réseaux, qui parle plusieurs langues. En tant que supporter des Girondins, Charles Camporro me manque énormément. Il a fait venir des Pauleta, des Savio, il s’est fait prêter des joueurs de qualité. C’est ce qui manque à l’heure actuelle. Quand Arsenal prête son prodige Joël Campbell, c’est à Lorient et non pas à Bordeaux. Jean-Louis Triaud a un bilan très positif, mais je ne le comprends plus. Je dis ça en toute amitié. Tiens, d’ailleurs, je devrais aller taper à la porte de son bureau pour qu’il m’explique.

Jean-Louis Triaud compose avec les moyens mis à sa disposition par M6…

Effectivement, la règle est simple. L’actionnaire met l’argent qu’il veut. Raison de plus pour être plus imaginatif, plus malin. Soit on a l’argent comme le PSG, soit on n’en a pas et on sort des jeunes comme Rennes, Sochaux ou Auxerre. En ce moment, il n’y a aucune logique. A Lille, il y en a une excellente. A Bordeaux, non. Je ne comprends pas, je ne comprends vraiment pas (bis). Et maintenant, je lis que, selon le président, c’est l’entraîneur qui est seul responsable du recrutement. Mais un entraîneur ne peut pas tout faire ! Quand on met tous les ingrédients, on n’est déjà pas sûr d’avoir des résultats. Alors si on n’en met pas la moitié, il ne faut pas s’étonner que ce soit dur !

Vous comprenez la colère des supporters ?

Evidemment ! J’ai lu les interviews de MM. Triaud et de Tavernost, qui ont dit que l’équipe n’était pas si mauvaise, qu’elle pouvait donner plus. Mais j’appelle cela se voiler la face. C’est de la méthode Coué. On a dit aux supporters qu’on jouerait l’Europe ! On peut comprendre qu’ils se moquent, qu’ils chahutent les joueurs. Mais ils restent toujours derrière leur équipe. Pourquoi ne pas leur avoir simplement dit qu’on était dans une phase de transition ? Comment un homme aussi brillant que M. de Tavernost peut-il faire passer des vessies pour des lanternes ? Je sais bien que dans le foot, on n’est pas forcément bien malin, mais il ne faut pas nous prendre pour des jambons !

On vous sent énervé…

Oui, parce qu’il y a trop d’incohérences. C’est incroyable ! On ne peut pas avoir le 5e budget, dire qu’on n’a pas d’argent pour recruter, prolonger des joueurs sur 4 ou 5 ans, oublier la formation… On gère à la minute, voire au mois. C’est abracadabra ! Pourtant, on a la chance de travailler dans la sérénité, pas comme à Marseille où il faut tout faire dans l’urgence et sous la pression. Maintenant, on a besoin de compétences.

Pourquoi le projet du PSG est solide ? Parce qu’il y a un grand directeur sportif qui s’appelle Leonardo. Il est connu dans le monde entier et quand il décroche son téléphone, on lui répondra toujours. A Bordeaux, j’aimerais savoir à quoi sert Jérôme Bonnissel. C’est quoi son rôle exactement ? Tout cela est nébuleux.

Et si Jean-Louis Triaud vous proposait de devenir directeur sportif du club ?

(Il rigole). Je ne suis pas intéressé !… Bien sûr, je saurais appeler Zizou au Real pour voir s’il est possible d’obtenir le prêt d’un joueur, j’appellerais des mecs à Milan ou ailleurs. D’ailleurs, comment Laurent Blanc avait-il fait venir Gourcuff ? Par ses relations ! Mais je le répète, je ne suis pas intéressé. Je suis très bien à Canal. J’ai gagné suffisamment d’argent pour être tranquille, et mes enfants, s’ils ne font pas n’importe quoi, sont tranquilles aussi… Enfin bon, ce n’est pas cela qui me ferait réfléchir.

Mais vous seriez peut-être l’homme de la situation !

Je suis très attaché au scapulaire, mais je suis un garçon hyper-pragmatique. C’est vrai que je dis pas mal de conneries, mais il y a un sens. J’aime que les choses soient claires. Si on vient me chercher, je demanderai : c’est quoi le projet ? Qui est responsable du recrutement ? Qui fait quoi ? Après, éventuellement, je prendrai mes responsabilités. Mais ça ne marche pas dans l’autre sens. Comment je pourrais vous dire que je suis intéressé par un truc qui n’a ni queue ni tête ?

Un mot sur le Paris SG, prochain adversaire des Girondins, dimanche ?

Ce PSG fort, c’est une super nouvelle pour notre championnat. Il faut des clubs comme ça, que tout le monde a envie de battre. C’est motivant pour les autres et ça génère beaucoup d’argent. Et puis, j’insiste, mais il y a peut-être moyen de se faire prêter des joueurs…

Bordeaux peut-il créer la surprise face aux Parisiens ?

Individuellement, le PSG, c’est excellent, avec Nene, Pastore, Ménez, Gameiro… Mais collectivement il y a encore beaucoup à redire. Si Paris arrive avec de la suffisance, si chaque joueur fait son petit numéro, alors Bordeaux a une chance. Mais sinon, je ne vois pas les Girondins s’imposer, cela me paraît trop compliqué.

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